https://www.lopinion.fr/politique/philippe-juvin-je-me-porte-volontaire-pour-soigner-les-militaires-en-afghanistan
« En 2008, je viens d’être réélu maire de La Garenne-Colombes. La France combat les Talibans en Afghanistan. Par admiration, je me mets en congé de mes activités et me porte volontaire pour les rejoindre »
Le vrai risque est rare : il n’existe que quand on s’expose à perdre quelque chose de précieux. Comme le soldat au Mali ou le soignant face au Covid-19. Dans une société qui a fait du principe de précaution un idéal, et du conformisme grimé en anticonformisme courageux une posture, la plupart des soi-disant prises de risque n’en sont pas.
Aussi, quand l’Opinion vous demande de raconter « votre » prise de risque, on s’interroge sur celles qu’on a cru vivre.
En 2008, je viens d’être réélu maire de La Garenne-Colombes. Je suis professeur de médecine depuis cinq ans. La France combat les Talibans en Afghanistan. Je trouve de la grandeur à ces soldats qui se battent dans l’indifférence pour « une certaine idée de la France ». Par admiration, je me mets en congé de mes activités et me porte volontaire pour les rejoindre.
Théoriquement, l’anesthésiste que je suis ne doit pas sortir du camp. Trop précieux, on ne peut pas prendre le risque qu’il soit blessé
Je suis affecté près de Kaboul comme anesthésiste-réanimateur militaire de l’ISAF (International Security Assistance Force), sous mandat OTAN. J’ai le grade de commandant dans une antenne médico-chirurgicale faite de Français, de Bulgares et d’Allemands. On y soigne les militaires alliés et de l’armée afghane, les Talibans capturés, et les civils. Théoriquement, l’anesthésiste que je suis ne doit pas sortir du camp. Trop précieux, on ne peut pas prendre le risque qu’il soit blessé. Mais la présence de mes confrères allemand et bulgare et mon insistance font que je suis souvent autorisé à accompagner les soldats hors du camp.
Première nuit. Je courais bien moins de risques que les combattants. Mais les souvenirs se bousculent, où l’excitation se mêlait à la crainte. Cette première nuit, quand le camp fut attaqué à la roquette. Ces missions, toujours en convoi blindé, pour déjeuner sur l’herbe avec cet ex-chef taliban ou pour rencontrer ce maire dont le cousin combattait en face, et qui nous renseignait en échange de soins que nous lui prodiguions. Ces deux légionnaires qui, blessés, refusaient de s’allonger. L’émeute après qu’une écolière a été renversée par un convoi américain. Ce cycliste qui en heurtant notre véhicule, nous avait fait craindre une attaque suicide. Ce magnifique feu d’artifice de leurres que notre hélicoptère largua pour avoir cru détecter un tir hostile. Ce jour où je me fis engueuler par l’adjudant car j’étais sorti du véhicule pour « parlementer » (quel amateur !) à un menaçant barrage.
Depuis, quand j’entends, sur la scène médiatique, des gens évoquer les risques qu’ils prennent dans tel ou tel débat, je songe à ces militaires. Et de l’honneur que j’ai eu de partager, un peu, de leur vrai risque.
« En 2008, je viens d’être réélu maire de La Garenne-Colombes. La France combat les Talibans en Afghanistan. Par admiration, je me mets en congé de mes activités et me porte volontaire pour les rejoindre »
Le vrai risque est rare : il n’existe que quand on s’expose à perdre quelque chose de précieux. Comme le soldat au Mali ou le soignant face au Covid-19. Dans une société qui a fait du principe de précaution un idéal, et du conformisme grimé en anticonformisme courageux une posture, la plupart des soi-disant prises de risque n’en sont pas.
Aussi, quand l’Opinion vous demande de raconter « votre » prise de risque, on s’interroge sur celles qu’on a cru vivre.
En 2008, je viens d’être réélu maire de La Garenne-Colombes. Je suis professeur de médecine depuis cinq ans. La France combat les Talibans en Afghanistan. Je trouve de la grandeur à ces soldats qui se battent dans l’indifférence pour « une certaine idée de la France ». Par admiration, je me mets en congé de mes activités et me porte volontaire pour les rejoindre.
Théoriquement, l’anesthésiste que je suis ne doit pas sortir du camp. Trop précieux, on ne peut pas prendre le risque qu’il soit blessé
Je suis affecté près de Kaboul comme anesthésiste-réanimateur militaire de l’ISAF (International Security Assistance Force), sous mandat OTAN. J’ai le grade de commandant dans une antenne médico-chirurgicale faite de Français, de Bulgares et d’Allemands. On y soigne les militaires alliés et de l’armée afghane, les Talibans capturés, et les civils. Théoriquement, l’anesthésiste que je suis ne doit pas sortir du camp. Trop précieux, on ne peut pas prendre le risque qu’il soit blessé. Mais la présence de mes confrères allemand et bulgare et mon insistance font que je suis souvent autorisé à accompagner les soldats hors du camp.
Première nuit. Je courais bien moins de risques que les combattants. Mais les souvenirs se bousculent, où l’excitation se mêlait à la crainte. Cette première nuit, quand le camp fut attaqué à la roquette. Ces missions, toujours en convoi blindé, pour déjeuner sur l’herbe avec cet ex-chef taliban ou pour rencontrer ce maire dont le cousin combattait en face, et qui nous renseignait en échange de soins que nous lui prodiguions. Ces deux légionnaires qui, blessés, refusaient de s’allonger. L’émeute après qu’une écolière a été renversée par un convoi américain. Ce cycliste qui en heurtant notre véhicule, nous avait fait craindre une attaque suicide. Ce magnifique feu d’artifice de leurres que notre hélicoptère largua pour avoir cru détecter un tir hostile. Ce jour où je me fis engueuler par l’adjudant car j’étais sorti du véhicule pour « parlementer » (quel amateur !) à un menaçant barrage.
Depuis, quand j’entends, sur la scène médiatique, des gens évoquer les risques qu’ils prennent dans tel ou tel débat, je songe à ces militaires. Et de l’honneur que j’ai eu de partager, un peu, de leur vrai risque.